Nous ne voulons pas d’une écologie contre la nature
L’acte modificateur unique soumis en votation le 9 juin est le produit d’une écologie superficielle qui sacrifie l’essentiel, la nature, sur l’autel d’une hystérie électrique.
Nous avons besoin d’électricité, mais encore bien davantage de la nature pour l’eau, l’air, la nourriture, le bien-être, la santé et la joie de vivre. Privés de l’action bienfaisante de la Nature les humains deviennent psychiquement et physiquement malades.
Puisqu’on parle d’électricité pour lutter contre les changements climatiques, n’oublions pas que la nature, les écosystèmes et tout spécialement les forêts sont les meilleurs bastions contre les changements climatiques car ils tempèrent le climat et absorbent naturellement le CO2.
L’acte modificateur unique démantèle la fragile législation actuelle sur la protection de la nature et du paysage. Il libérera d’immenses forces destructrices que plus rien ne pourra arrêter.
La protection de la Nature en Suisse est ancrée sur quatre piliers dans la loi fédérale sur la protection de la Nature et du paysage (LPN) :
- Les autorités, dans l’accomplissement des tâches de la Confédération, doivent ménager les paysages, la nature et les monuments historiques (art 3 LPN).
- Le Conseil fédéral établit un inventaire des objets d’importance nationale. Les objets inscrits à l’inventaire doivent être conservés intacts, pour le moins ménagés au moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement. (art 5 et 6 LPN).
- Le Conseil fédéral désigne les biotopes d’importance nationale (art 18, 18a, 23a LPN)
- Les communes et les organisations d’importance nationale peuvent faire recours contre des décisions des cantons ou des autorités fédérales qui portent préjudice à la nature (art 12 LPN).
Or l’acte modificateur unique affaiblit chacun de ces quatre piliers en déclarant d’emblée une importance nationale des barrages, éoliennes et champs de panneaux solaires supérieure aux autres intérêts cantonaux et nationaux, rendant ainsi inopérant le droit de recours et toute pesée d’intérêts entre production d’électricité et protection de la nature et du paysage.
De plus il affaiblit la loi sur les forêts (art 5 LFo), la loi sur les eaux (débits résiduels) et la loi sur l’aménagement du territoire (art 24 ter LAT et art 10 LAT) qui constituent trois autres éléments essentiels de la protection de la nature.
Cette loi est une catastrophe pour la nature helvétique déjà si faible que l’on assiste à une constante diminution de la biodiversité et réduction des espaces naturels.
Et tout ça pour une production aléatoire et ruineuse d’électricité.
Il est absurde de couvrir des pâturages de panneau photovoltaïques alors que leur installation sur des infrastructures existantes permettrait de produire plus de 100 % de toute l’énergie électrique consommée en Suisse.
La Suisse n’est pas un territoire favorable à l’énergie éolienne qui a un impact ravageur sur la nature et les paysages pour une production incertaine et très coûteuse d’électricité. Lorsqu’il y a du vent en Europe de l’Ouest l’Allemagne voisine qui a installé 30'000 éoliennes produit un surplus d’électricité qu’elle sera tout heureuse de vendre à la Suisse à prix très bas ou nul.
Cette loi bâclée annonce des atteintes majeures à la nature et aux paysages. Il faut la refuser et la renvoyer au Parlement pour qu’il rédige une loi qui garantisse une production d’énergie renouvelable dans le respect des « beautés de la patrie » célébrées par notre hymne national.
Philippe Roch
Membre des conseils des fondations Franz Weber et Helvetia Nostra
Ancien directeur de l’office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage