Paru dans L'Illustré 1 / 2019 p 32
Haut les cœurs
Pour une écologieaudacieuse et joyeuse
Philippe Roch ͥ
J’appelle une révolution intérieure au niveau de la conscience et du cœur,qui seule peut nous donner l’espérance d’une humanité réconciliée avecelle-même et avec la nature. Les violences commises entre communautés humaineset le pillage de la nature tirent leur énergie d’une profonde insatisfactiondans un monde désenchanté. Toujours décevante la course aux consommationsmatérielles conduit à une fuite en avant sans limite. Aucun système ne peuttenir longtemps à ce régime, d’autant plus si l’on tient compte qu’une grandepartie de l’humanité vit dans une pauvreté dont il faut absolument la sortir.
Certains prêchent que des mesures techniques nous permettront de relever cedéfi sans remettre en question nos modes de vie. Certes des panneauxphotovoltaïques et thermiques, des moteurs de voitures moins gourmands et moinspolluants, des maisons mieux isolées et une agriculture plus proche de lanature sont des progrès bienvenus et nécessaires, mais pris dans le flux de lacroissance, ils ne font que repousser de peu les échéances et n’arrêteront pasnotre folle course avant qu’elle se fracasse contre le mur des limitesplanétaires. Si malgré cette évidence nous ne parvenons pas à prendre lesmesures nécessaires, c’est parce que nous nous sommes piégés dans un systèmeéconomique et social qui dépend du mythe d’une croissance continue pour payerles salaires, les assurances sociales, les retraites, les dépenses de santéd’une population croissante et vieillissante.
Il est temps de faire des choix courageux, avec détermination, imagination,dans un esprit d’aventure solidaire et joyeuse. Les personnes et les familles quiont déjà adopté un mode de vie écologique plus sobre, individuellement ou dansdes coopératives d’habitation, des réseaux de production agricole ou d’économiesolidaire, témoignent qu’une vie plus simple, plus conviviale et respectueusede l’environnement est plus riche et plus heureuse. Certes il faut faire lesaut, abandonner l’illusoire confort d’une vie bien rangée, bien payée,protégée par des institutions qui semblent immuables, mais notre confort estfragile et plus personne de sérieux ne doute que nous avons dépassé les limitesde la productivité de la Terre.
Au lieu de viser unecroissance matérielle, travaillons à une prospérité qui permette de partagerentre tous les biens que la nature met à notre disposition sans la détruire. Celane sera possible que par l’application d’une écologie intégrale, biologique,écosystémique, sociale et spirituelle, comme l’annonce le pape François dansl’encyclique « Laudato Si ». Pour réussir il faut commencer parsoi-même, car nous devenons des leviers plus efficaces si nous vivons latransition écologique en nous ; « Soisle changement que tu souhaites pour le monde » disait de MahatmaGandhi. Alors haut les cœurs pour nous engager avec joie, curiosité, autonomieet passion sur le chemin du changement !
ͥ Auteur de « Croissance, décroissance,pour une transition écologique », Jouvence, 2018