J'aime le silence de la neige fraichement tombée, la beauté du paysage qu'elle régénère, la prudence et la lenteur dont elle convainc les automobilistes. La mangeoire accrochée à la fenêtre de ma cuisine s'anime des mésanges charbonnières, bleues et nonnettes, de l'accenteur mouchet, des rouge gorges, pinsons des arbres, verdiers, moineaux et parfois d'un gros bec ou d'un pic épeiche, alors que les pigeons ramiers et les geais de chênes se rassemblent de l'autre côté du chemin pour piquer les grains de maïs que le sanglier a laissés la nuit passée.
Dès demain matin j'irai repérer les traces laissées sur la neige par les chevreuils, les sangliers, les renards, les fouines ou les écureuils, un livre qui m'en dira long sur la vie des champs et de la forêt.
Je plaide pour un temps d'arrêt en hiver, une période de calme, d'introspection, d'attention à soi et aux autres, pour une diminution des heures de travail, pour des rencontres vraies et des loisirs sobres, pour la lecture, la ballade et la découverte de la nature, pour un retour à l'authenticité, à l'intensité.
Je suis à contre courant, car nous vivons exactement l'inverse. Le changement d'année est prétexte à tous les excès : empressement dans les magasins, ouverts le soir et le dimanche, aéroports bondés, stations ou plutôt villes de montagne engorgées, beuveries et fêtes bruyantes. Voit-on encore la douce lumière de la lune au-delà de l'orgie d'éclairages artificiels et de feux d'artifice ? Et cela n'est pas près de changer, car le seul message de nos autorités en ce début d'année c'est la relance après la crise, c'est-à-dire un appel à la vertu cardinale du pays, celle de consommer toujours davantage.