14 millions le mètre carré
J’ai arpenté les chemins autour de la jolie bourgade moyenâgeuse de St Prex, et je n’ai pas retrouvé le paysage peint en 1901 par Ferdinand Hodler vendu pour le prix de 10,9 millions de francs. A cette distance du lac j’ai rencontré plusieurs rangées de routes, une ligne de chemin de fer, des lignes électriques, des bâtiments industriels tous plus laids les uns que les autres et de nombreuses villas barricadées derrière leurs clôtures métalliques.
Dès le XVIIIe siècle les paysages de notre pays ont attiré les peintres (Calame, Diday, Hodler), les écrivains (Rousseau, Goethe) et les touristes du monde entier. Ces paysages étaient aussi accessibles tels quels à toute la population.
Or depuis les années 1960 la Suisse perd chaque seconde 1 m2 d’espace naturel. Les constructions nous privent de beauté et d’espaces libres, sous la pression d’une population toujours plus nombreuse, plus mobile, sur un espace de plus en plus restreint.
Quelle est la valeur de cette nature que nous détruisons ? Lorsqu’elle figure sur une toile de Hodler : 14 millions le m2 (la toile fait 0,7704 m2), et dans la réalité ? A mon avis bien davantage encore, mais les autorités politiques n’ont aucun respect pour la nature et le paysage et elles ne leur consacrent qu’une partie dérisoire des leurs budgets. Nous risquons de réagir trop tard, car lorsqu’un paysage est perdu, c’est pour toujours.