Pour l'une des dernières soirées de cet hiver j'ai rendu visite à mon ami Benoît Breton. Il débarde avec ses chevaux des troncs d'arbres, coupés pour créer une clairière dans le but de redonner de la place aux orchidées, aux insectes, aux reptiles. Les chevaux attelés en paire tirent les troncs sur une forte pente, concentrés sur leur tâche dans un gros effort, lents et calmes. Ils sont conduits à la voix grâce à une magnifique complicité avec celui qui partage leur vie, jour et nuit. Benoît a adopté cette méthode de travail parce qu'elle offre de gros avantages sur les lourdes machines motorisées. Les chevaux ne laissent aucune trace qui ne soit rapidement réparée par la forêt. Mais c'est aussi une fusion qu'il vit avec la nature : « Mes chevaux sont une partie de moi-même ».
La nuit tombe. Nous sommes dans la forêt, au pied d'un très vieux chêne, au-dessus de l'Allondon. Valseur, un Ardennais et Chaline, une trait belge, mangent paisiblement leur picotin, attachés à deux arbres. Nous entendons la rivière couler en dessous de nous. La chouette hulotte hulule et la lune presque pleine brille entre les fûts des grands arbres. Les sangliers fouillent les feuilles à quelques mètres de nous. Un saucisson dans la braise et une bouteille de bon vin. Une discussion sur la vie, son sens, ses valeurs s'engage, avec de longs silences méditatifs. L'esprit est là. Ceci à 10 km du centre de la ville de Genève. Ah que la vie peut être belle !