Je pense à cette devise de solidarité lorsque je me penche sur les raisons profondes de la crise écologique marquée par la perturbation du cycle de l'eau et du système climatique, la dégradation des sols et la disparition massive d'espèces. Derrière les causes immédiates que sont la surpopulation, la surconsommation, le gaspillage, la destruction des écosystèmes et les pollutions je distingue une cause plus profonde, une fracture, une rupture de solidarité entre l'humanité et la nature.
Alors que les peuples premiers, les indiens d'Amérique, les pygmées, les Penans et les Papous, forment un tout biologique et spirituel avec la nature, la civilisation urbaine a permis à une partie croissante de l'humanité de prétendre s'élever au-dessus de la nature et d'oublier que nous dépendons d'elle. Le philosophe René Descartes au XVIIe siècle a développé une vision dualiste qui sépare les sens et la raison, le corps et l'esprit, l'homme et la nature, si bien que cette dernière est devenue un simple objet, une mécanique sans âme que l'humanité a pu exploiter et polluer sans vergogne.
Au contraire le philosophe Benoît Spinoza, contemporain critique de Descartes, considère que nous ne faisons qu'un avec la nature. Il a concentré sa vision moniste (le corps et l'esprit ne font qu'un) dans l'expression « Deus sive Natura », « Dieu, c'est-à-dire la nature ». Il est certain que si comme lui nous considérons la nature comme un être global dont nous faisons intégralement partie, nous ne pouvons plus la détruire parce que nous savons qu'ainsi nous nous détruisons nous-mêmes.