Congrès du Rhône
15 & 16 juin 2006
Synthèse par Philippe Roch
Le Congrès du Rhône est issu du débat sur les vidanges du barrage de Verbois, pratiquées pour laver la retenue de Verbois d'une partie des alluvions qui s'y accumulent, et critiquées par les milieux écologistes parce qu'elles perturbent la faune piscicole et colmatent les fonds graveleux du fleuve.
Mais bien au-delà des vidanges, le Congrès du Rhône a révélé toute la complexité du bassin Rhodanien et d'innombrables initiatives pour la traiter. Il a permis de manifester clairement une volonté de collaboration entre l'ensemble des acteurs français et suisses.
Depuis le premier éclairage public de Bellegarde en 1874, la production et la consommation d'électricité ont fortement augmenté. L'électricité d'origine hydraulique est une énergie propre. Le Rhône est à peu près entièrement dompté pour la production d'énergie. Les quelques pourcents redonnés à la nature, sous forme de débits résiduels, d'échelles à poissons et de revitalisation des lônes font passer l'hydroélectricité d'énergie propre à énergie écologique. Le potentiel de production étant entièrement utilisé, il faut activer les politiques d'économies d'électricité, un potentiel qui est estimé à 25% à Genève sans réduction des prestations. Parallèlement à l'équipement hydroélectrique, la navigabilité du Rhône a été développée jusqu'à l'amont de Lyon. L'accès à Genève et le canal du Rhône au Rhin sur territoire suisse ont été définitivement abandonnés.
Les crues du Rhône sont largement maîtrisées sur le haut Rhône, grâce à la régulation du Léman, et aux possibilités d'utiliser les lônes comme tampons. Mais les inondations de 2004 ont durement rappelé que le problème reste entier pour la partie aval du fleuve, où des zones inondables doivent être réservées.
L'exploitation des graviers a été très intense par le passé. Elle est la cause principale du déficit d'alluvions dans le delta du Rhône. Les vidanges n'ont pratiquement pas d'influence sur ce déficit, car elles charrient des sédiments fins qui ne peuvent pas remplacer les graviers. La question de rétablir une dynamique de graviers dans le Rhône reste aujourd'hui sans réponse.
Le bassin du Rhône offre un ensemble de milieux naturels dont la valeur écologique est renforcée par des mesures de renaturation des berges et des lônes, la dotation de débits minimaux, la création d'échelles à poissons, des mesures de protection des sites naturels et des restrictions d'utilisation.
Près des agglomérations les loisirs se sont fortement développés au bord du Rhône, souvent de manière chaotique, parfois dans des activités illégales, alors que d'autres régions à l'écart sont restées sauvages. Il y a un fort potentiel de développement des activités nature le long des berges du Rhône, qui méritent une mise en place d'animations, de structures et de réglementations, afin d'utiliser mieux le potentiel, sans nuire à la valeur naturelle qui fait le charme et l'attrait de ces lieux.
Le Congrès du Rhône a révélé de très intéressantes structures de gestion du bassin du Rhône, tout spécialement sur le territoire français, comme le Syndicat du Haut Rhône, qui réunit 28 communes et le Préfet de région, et qui a élaboré un programme décennal de restauration. La structure la plus impressionnante est certainement le Plan Rhône, lancé le 6 mars 2006, doté de 1,6 milliard d'Euro sur 10 ans pour des activités coordonnées dans les domaines des inondations, des ressources naturelles et de la biodiversité, de l'énergie, du tourisme, de la navigation et du patrimoine. Le Plan Rhône est un mandat du Premier Ministre, confié au Préfet de la région Rhône-Alpes, et qui inclut la participation de l'Etat, des Régions, et des partenaires économiques et associatifs dans un Comité de pilotage d'une centaine de personnes et des comités par domaine d'activité.
La collaboration franco-suisse existe déjà, mais de manière ponctuelle, notamment dans le cadre de projets Interreg. La dynamique française devrait nous inspirer pour systématiser la collaboration transfrontière dans les divers domaines d'activités. Une participation de la Suisse au Plan Rhône, selon des modalités à définir, serait une voie possible.
Le Rhône constitue un territoire magnifique, riche d'un immense potentiel qui a tout à gagner à une gestion coordonnée entre la France et la Suisse. Dans ce contexte la question des vidanges de Verbois apparaît comme très secondaire. Il semble qu'elles peuvent être abandonnées sans grand dommage pour la gestion économique du fleuve, avec de gros avantages pour son écologie.