En annonçant un possible blackout électrique, c’est-à-dire une panne générale de la distribution d’électricité, le Conseil fédéral a provoqué une panique autour d’un évènement très improbable. Il a interprété de manière exagérée un rapport complexe et nuancé de la Commission fédérale de l’électricité ?
Que dit le rapport ?
Dans un scénario pessimiste le rapport évoque la possibilité d’un blackout de 47 heures au cas où aucun accord dans les domaines politique, administratif ou technique ne subsisterait avec nos voisins de l’Union Européenne. Or la collaboration en matière d’électricité est assurée par des contrats avec les différents gestionnaires de réseau de transport des pays européens et l’absence totale d’accords techniques est invraisemblable car comme l’écrit le rapport « Des problèmes accrus de sécurité du réseau et de l’approvisionnement en Suisse ont également des répercussions sur d’autres pays en Europe. Une collaboration technique minimale garantie par contrat devrait donc également être dans l’intérêt de l’UE. »
Les errements du Conseil fédéral…
Lors des votations de 2017 j’étais bien seul avec la FFW et Helvetia Nostra à contester la révision de la loi sur l’énergie (LEne) parce que nous l’estimions trompeuse et qu’elle contient le risque d’atteintes graves à la Nature. Reniant ce qu’il avait promis pour gagner la votation le Conseil fédéral envisage aujourd’hui une prolongation des centrales nucléaires, la construction de centrales à gaz (soi-disant neutres sur le plan climatique, quelle farce !) et il réclame une accélération de la construction d’installations de petite hydraulique et d’éoliennes industrielles au mépris des rivières, des forêts, des espèces sauvages et du paysage et sans considération pour les limites physiques de la production d’électricité par ces installations.
… et du Tribunal fédéral
Même le Tribunal fédéral est affecté par l’idéologie éolienne. Il justifie son jugement favorable aux éoliennes de Sainte-Croix par un argument objectivement faux. Il a en effet attribué un intérêt national à ce projet en contradiction avec la loi qui prescrit que pour déterminer l’intérêt national d’une installation de production d’énergie renouvelable il faut tenir compte de « la flexibilité de production dans le temps et en fonction des besoins du marché » (Art 12 al5 LEne); comme elles dépendent d’un vent très irrégulier sur les crêtes du Jura ces éoliennes sont particulièrement inaptes à produire de manière flexible en fonction des besoins du marché.
L’éolien n’est pas la solution
Déjà 64,8 % de l’électricité produite en Suisse est d’origine renouvelable (dont 0,2 % éolienne) et il y a un énorme potentiel solaire encore sous-exploité. Il suffirait par exemple d’équiper les constructions existantes de 24 m2 de panneaux photovoltaïques par habitant pour produire 40 % de l’électricité consommée en Suisse. Ces 24 m2 ne représentent que 6,3 % de la surface construite en Suisse qui est de 380 m2/habitant. Il est donc inutile d’installer des panneaux photovoltaïques sur des pâturages et des lacs.
La seule chose qui soit certaines dans ce débat c’est que l’éolien ne peut en aucun cas répondre à un très éventuel black-out de l’approvisionnement électrique.
Préserver les derniers paysages libres
La Suisse est de plus en plus densément peuplée. La pandémie du Covid a montré notre besoin de liberté dans de grands espaces de Nature préservée. Il est irresponsable de sacrifier les derniers paysages libres pour une production minime et aléatoire d’une électricité coûteuse. Heureusement la Fondation Franz Weber, Helvetia Nostra, Paysage libre et la Fondation pour la protection et l’aménagement du paysage s’engagent sans compter pour le droit des générations futures à pouvoir encore s’émerveiller devant un paysage préservé et dans une Nature libre et sauvage.
Philippe Roch
Journal Franz Weber, novembre – décembre 2021