Mon ami Flavio Cotti
Avec le décès de Flavio Cotti le 16 décembre j’ai perdu un ami et le Conseiller fédéral qui m'a donné la chance de servir le pays en défendant la Nature et l'environnement pendant 13 ans à Berne et dans le monde.
Flavio Cotti a donné un élan nouveau à la politique environnementale. Conseillé par le genevois Alain Clerc il avait déjà été l’artisan de la Convention sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination adoptée à Bâle en 1989. Cette convention est la mère de plusieurs autres conventions sur les produits chimiques que j’ai ensuite eu la chance de négocier avant d’obtenir que leurs secrétariats soient hébergés à la Maison de l’environnement à Genève.
J’ai connu Flavio déjà lorsqu’il était Président du PDC suisse et dès qu’il a été élu au Conseil fédéral en1986 je lui ai proposé de rencontrer annuellement les organisations de protection de la Nature et de l’environnement, une initiative qui s’est perpétuée jusqu’à aujourd’hui avec ses successeurs. Flavio a été très impressionné par la problématique de la mort des forêts, conséquence de la pollution de l’air. Déterminé à promouvoir une politique progressiste de l’environnement il a cherché un patron expérimenté et déterminé pour diriger l’Office de l’environnement, des forêts et du paysage qu’il venait de réorganiser et c’est avec audace qu’il a proposé ma candidature. J’ai été élu de justesse par 4 Conseillers fédéraux contre un (Ogi) et deux abstentions (Delamuraz et Villiger). Mais Flavio a tenu bon et il m’a confié des tâches enthousiasmantes. Déjà une semaine après mon entrée en fonction en juin 1992 nous étions ensemble à Rio pour le sommet mondial sur l’environnement et le développement qui a provoqué une révolution de la politique environnementale avec l’ambition de créer des synergies entre l’économie, la protection de l’environnement et le développement social en particulier des pays les plus défavorisés, une philosophie nouvelle sous le vocable du développement durable (sustainable development). Flavio a signé à Rioles deux grandes conventions environnementales sur le climat et sur la biodiversité qui sont toujours d’une actualité brûlante. Grâce à lui j’ai eu la grande fierté de représenter la Suisse et de prendre la parole devant l’Assemblée générale de l’ONU lorsqu’elle a endossé les résultats de Rio le 22 décembre 1992.
Il m’a confié ensuite la révision complète de la loi sur l’environnement pour la moderniser et la renforcer dans les domaines des déchets et de la pollution de l’air avec l’introduction des premières taxes d’incitation sur le souffre dans le mazout et sur les composés organiques volatils (solvants) par exemple dans les peintures, premiers pas vers la future loi sur le CO2. Dans la logique de la Conférence de Rio nous avons introduit dans cette loi un principe de subsidiarité selon lequel, lorsque surgit un problème environnemental il faut d’abord chercher une solution d’entente avec les partenaires économiques et c’est seulement lorsque cette approche volontaire ne suffit pas qu’il faut envisager un renforcement de la législation (art 41a al 3 de la loi sur l’environnement).
L’un des dossiers chauds que j’ai dû résoudre avec Flavio a été la mise en œuvre de l’initiative de Rothenthurm pour la protection des marais et des paysages marécageux adoptée par le peuple et les cantons en 1987. Il y avait une fronde des cantons contre la mise en œuvre de cette initiative, avec une menace de lancer une contre-initiative. J’ai alors proposé à Flavio de prendre mon bâton de pèlerin et de négocier une solution avec chaque canton récalcitrant. Et il m’a fait confiance en me disant qu’il acceptera d’emblée les propositions que je lui ferai. Cela m’a donné une grande force vis-à-vis des cantons et quelques semaines plus tard la situation était calmée. Nous avons pu alors commencer à préparer les ordonnances, un travail que j’ai poursuivi plus tard avec Ruth Dreifus et qui a abouti à la protection de 1700 territoires de Nature sur une surface totale de 108'000 hectares (2,7 % de la surface de la Suisse).
Ingénieux, intuitif, courageux Flavio a trouvé en moi le « Roch » sur lequel s’appuyer dans ses moments de doute et d’adversité. Cela a créé entre nous une forte complicité qui a rapidement évolué vers une profonde amitié. Flavio a régulièrement pris des nouvelles de ma santé et nous nous sommes encore parlé il y a quelques semaines. Je rends ici hommage à son épouse Renata qui l’a soutenu sans faillir et qui m’a toujours accueilli avec grâce et bienveillance.
Philippe Roch